Rappel à l’ordre et avertissement : deux notions enfin bien distinctes ?
Rappel à l’ordre et avertissement : deux notions enfin bien distinctes ?
C’est ce qu’on peut penser, et espérer, à la lecture de la décision rendue le 20 mars 2024 par la Cour de cassation ( n° 22-14.465) qui juge, approuvant en cela les magistrats de la cour d’appel : (…) Ayant relevé que le courriel du 19 août 2017, par lequel l'employeur, qui n'a pris aucune mesure à l'encontre du salarié, se bornait à lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d'être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés, la cour d'appel, qui a retenu qu'il constituait tout au plus un rappel à l'ordre, en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire.(…)
La Cour de cassation a longtemps considéré que le fait, pour un employeur, d’exprimer, par écrit, à un salarié, son mécontentement, de lui adresser des reproches, de l’inviter à un changement radical, à se conformer aux règles, équivalait à une sanction.( Cass soc 6 mars 2007, n° 05-43698, Cass soc 26 mai 2010, n° 08-42893, Cass soc 9 avril 2014, n° 13-10939)
Puisque l’employeur réagissait à un comportement considéré comme fautif, alors, il sanctionnait le salarié et l’écrit ( le plus souvent un courriel) transmis , sanctionnant un comportement, constituait une sanction , en l’occurrence, un avertissement.
A l’instar du Bourgeois gentilhomme de Molière, faisant de la prose sans le savoir, l’employeur avait, sans le savoir, ni le vouloir, sanctionné le salarié et, du même coup, épuisé son pouvoir disciplinaire. Tout licenciement ultérieur, fondé sur les faits et actes précisément invoqués dans ce qu’il croyait être un simple rappel à l’ordre, était dénué de cause réelle et sérieuse, au visa de la règle pénale transposée en droit disciplinaire, non bis in idem, interdisant de sanctionner deux fois le même fait punissable.
A la lecture de la décision du 20 mars 2024, l’employeur semble, il faut rester prudent, retrouver un peu de liberté et le droit de rappeler à l’ordre un salarié, en visant des actes fautifs, en lui reprochant son comportement, en l’invitant à se reprendre, sans , pour autant, se voir rappeler, qu’il a déjà sanctionné.
Etre agressif, colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle, manquer de respect, comme ci était évoqué dans cette décision, sont, assurément, des actes et comportements fautifs mais, le fait de demander qu’il y soit mis fin ne semble plus sanctionner un comportement et constituer, alors, un avertissement.
Sous réserve de ne prendre aucune mesure à l’encontre du salarié.
Un employeur accompagne rarement un rappel à l’ordre écrit de mesures telles que rétrogradation, mutation disciplinaire, retrait de tel ou tel avantage, sans quoi l’existence de la sanction ne fait plus débat, sauf, naturellement, sa régularité.
L’employeur retrouve ainsi une liberté qui lui avait été bien sévèrement retirée, le salarié échappe à une première ( ou énième) inscription à son “ casier” disciplinaire et pourra se corriger.
Tout le monde y trouve finalement son compte, sauf, peut-être, l’avocat, qui, faute de combattants, n’ouvrira pas un nouveau dossier.