Petit rappel sur les 45 premiers jours de formation pratique de l’apprenti.
L’article L.6222-18 du code du travail dispose, en son alinéa 1er, que le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti.
Cette période de 45 jours, qui était de deux mois avant la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, ressemble, à s’y méprendre, à une période d’essai mais, si elle en a un peu l’esprit, elle en est juridiquement distincte.
C’est pour avoir appliqué les règles de la période d’essai à la rupture d’un contrat d’apprentissage intervenue avant le terme des deux mois (ancienne durée) et avoir sanctionné une telle rupture qu’une cour d’appel a, sèchement, été rappelée à l’ordre par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 septembre 2018 ( Cass soc 12/09/2018, n° 16-22545).
Ce n’est pas une décision qui fera forcément la une des revues spécialisées mais elle a le mérite de rappeler en des termes clairs, au visa de l’article L. 6222-18, al 1, du code du travail en sa rédaction alors applicable, que (...) « la période de deux mois durant laquelle le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties n’est pas une période d’essai (...) ».
L’erreur est fréquente, de la part de certains centres de formation d’apprentis, de sites internet pourtant sérieux ou encore de certaines entreprises.
Certains juges du fond, on l’a vu, font également la confusion.
Rappelons que la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 a introduit dans le code du travail les articles L.1221-19 à L.1221-26 et donné à la période d’essai un régime légal qui lui faisait jusqu’alors défaut, le code du travail ne contenant quasiment pas de dispositions en la matière.
La jurisprudence, les usages et, surtout, les dispositions des diverses conventions collectives constituaient un ensemble combiné de normes applicables permettant de régler les principales questions.
La loi nouvelle n’a pas entendu balayer d’un revers de main, notamment, ce que les partenaires sociaux avaient pu négocier et élaborer auparavant au niveau des conventions collectives et, au contraire, a permis aux entreprises, sous certaines conditions très précises ( cf article L.1221-22 du code du travail) de prévoir, dans les contrats de travail, des durées maximales de période d’essai supérieures aux durées maximales désormais gravées dans le marbre des articles susvisés, avec, en toile de fond et telle une épée de Damoclès, la notion internationaliste de durée raisonnable de période d’essai posée par la convention 158 de l’OIT ( Organisation Internationale du Travail).
Ce qui doit ici retenir l’attention, c’est la définition légale ( sans grande surprise) de la période d’essai prévue à l’article L.1221-20 du code du travail, ainsi libellé : « La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».
Nul besoin d’être un éminent juriste ( ou de se considérer comme tel) pour comprendre que la période d’essai permet, essentiellement, à un employeur de vérifier, dans un certain laps de temps, s’il a fait le bon choix, si les compétences, l’expérience ou la détermination alléguées lors de l’entretien d’embauche sont bien au rendez vous et si le contrat de travail peut être définitivement conclu.
La définition légale susvisée permet, également et à contrario, de comprendre que toute rupture de période d’essai pour un motif étranger à sa finalité est abusive et ouvre droit à réparation.
On réservera le cas de la rupture de l’essai en raison d’une faute commise par le salarié et qui suppose simplement le respect de la procédure disciplinaire.
L’employeur ne saurait donc, sans commettre un abus, rompre une période d’essai pour, par exemple, un motif purement économique ou en perspective d’une réorganisation de l’entreprise.
Point de tout cela pour l’apprenti durant les 45 premiers jours, consécutifs ou non de formation pratique, puisque cette période, comme nous le rappelle la Cour suprême, n’est pas une période d’essai.
La rupture est donc par principe libre, la compétence de l’apprenti n’est nullement déterminante, les préavis de rupture sont inapplicables.
La mauvaise foi et les motifs discriminatoires de l’article L 1132-1 du code du travail sont bien sûr inacceptables et sanctionnables mais l’apprenti ne saurait valablement reprocher à une entreprise de rompre son contrat d’apprentissage, durant la période initiale plus haut citée, pour un motif étranger à sa capacité professionnelle ou de ne pas expressément motiver cette rupture sur la compétence et la capacité professionnelle et solliciter en justice réparation du préjudice allégué.
La loi est d’application stricte et le raisonnement par analogie doit être écarté.
Philippe LIOUBTCHANSKY, avocat au Barreau de Paris, maître de conférences
associé à l’Université Paris XIII.